Proposition d’un programme Européen de formation initiale pour les enseignants de mathématiques du second degré
Face aux profondes différences
entre les systèmes nationaux de formation des pays membres, rédiger une
proposition de programme européen de formation initiale pour les professeurs
stagiaires de mathématiques de collège, n’est pas une tâche facile. En fait, il
suffit de comparer les systèmes éducatifs et les systèmes de formation des
enseignants dans les pays participant au projet (CZ, DK, FR, IT, SK) pour
comprendre combien il est difficile d’imaginer un seul programme Européen. Un
des aspects les plus frappants concerne les différents âges auxquels les
professeurs stagiaires commencent leur formation pour devenir enseignants :
dans certains pays, ils commencent dès leur entrée à l’université, alors que
dans d’autres pays, ils doivent avoir déjà obtenu des diplômes
universitaires.
Plus prometteuse est, issue des
cinq pays membres du projet, l’analyse de deux aspects extrêmement pertinents et
intéressants concernant la formation des professeurs stagiaires de
mathématiques:
- Les programmes de mathématiques en collège
sont fondamentalement semblables. Ils ont en commun un grand nombre de thèmes, à
l’exception de quelques aspects significatifs de certains d’entre eux.
Cependant, on ne peut pas dire la même chose, sur la réalisation d’objectifs
comparables portant sur les connaissances et compétences acquises à la fin du
collège.
- De grandes similitudes peuvent apparaître dans
les méthodes de formation des professeurs. Au-delà des différences dans les
niveaux et les étapes, les différents systèmes proposent des formations
comprenant à la fois des cours traditionnels et des activités impliquant
directement et activement les professeurs stagiaires dans les différents thèmes.
Cela semble être une tentative commune de conduire les stagiaires à percevoir
les liens entre les mathématiques et la réalité et aussi ceux entre les
mathématiques et les autres disciplines.
A partir de ces remarques, il semble possible de dresser une
proposition commune centrée sur les deux aspects suivants[1]:
- Une liste de thèmes à élaborer, comprenant
tous les sujets caractérisant les différents programmes de collège dans chacun
des pays participant au projet. Cette liste peut être la base d’activités à
proposer aux professeurs stagiaires. Lorsque les stagiaires montrent qu’ils ont
déjà acquis les compétences relatives à ces thèmes, au cours de leurs études, le
formateur peut alors cibler la formation sur des réflexions pédagogiques,
épistémologiques, historiques. Sinon, ces thèmes seront des objets explicites
d’enseignement
- Une méthode significative pour élaborer des
séquences d’enseignement, en permettant aux professeurs stagiaires non seulement
d’acquérir (ou de réfléchir sur) ces différents thèmes mais aussi de comprendre
les possibles difficultés que rencontreront leurs élèves. Le but est d’esquisser
des remédiations ou des stratégies d’enseignement qui peuvent aider les élèves à
surmonter ces difficultés et à augmenter leur compréhension.
- Cette méthode, construite sur la base de
pratiques communes significatives, a été élaborée, expérimentée et documentée
par l’équipe du projet.
L’équipe du projet a choisi
quelques thèmes évoqués précédemment et a identifié quelques aspects d’une
pratique qu’elle a jugés positifs et efficaces, mis en œuvre dans des séquences
d’enseignement expérimentales selon des modalités qui sont illustrées plus tard.
De bonnes pratiques d’enseignement décrites dans les prochains chapitres
éclairent la méthodologie et présentent en même temps l’opportunité d’évaluer
les potentialités et les limites possibles.
Thèmes traités
Nous voulons identifier un ensemble
de thèmes communs à traiter dans une formation de professeurs stagiaires de
collège. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la meilleure option a été de
se reporter aux différents programmes de mathématiques du collège. Comme les
professeurs stagiaires sont évidemment supposés connaître les thèmes qu’ils
enseigneront plus tard, les formateurs disposeront d’une base solide pour
proposer des activités d’enseignement aux stagiaires.
Les compétences des professeurs
stagiaires relatives à ces thèmes, doivent être suffisamment complètes pour
qu’ils les maîtrisent, même si le programme scolaire correspondant demande de la
part des élèves des connaissances plutôt superficielles[2].
Comme précédemment, lorsque les professeurs stagiaires ont acquis les
compétences relatives à ces thèmes au cours de leurs études, le formateur peut
cibler la formation sur des réflexions pédagogiques, historiques et
épistémologiques. Sinon ces thèmes seront explicitement enseignés.
Il est de toute façon souhaitable
de faire prendre conscience aux stagiaires que différents niveaux de compétences
sont requis (pour eux et pour les élèves), par des évaluations métacognitives de
ce qu’ils ont appris, pour leur future activité d’enseignant.
L’équipe du projet n’a pas
rencontré de grandes difficultés à choisir des thèmes et à en faire une liste,
car elle s’est reportée aux thèmes déjà exposés dans les programmes
nationaux : les thèmes sont maintenant les mêmes, dans la plupart des cas.
En fait, quand de nettes différences sont apparues, l’équipe a décidé de suivre
un critère de majorité et de pertinence dans le choix, prenant en compte les
opinions explicitées par les composantes de l’équipe. Cela a aussi été le cas
dans le choix des activités d’enseignement expérimentées.
Les grandes différences dans les
programmes sont celles liées aux façons de traiter les différents thèmes (en
respectant les démarches nationales) tout autant que les capacités qui doivent
être acquises en relation avec ces thèmes. Pour cela, nous avons pensé qu’une
comparaison approfondie n’était pas appropriée et nous avons seulement retenu
les thèmes en rapport avec les programmes nationaux pour plus de
détails.
Dans le tableau ci-dessous, pour
chaque thème il y a un commentaire pour éclairer les principales similitudes et
différences. Dans les cas où les thèmes sont traités à des niveaux très
différents, nous avons essayé d’identifier les aspects qui peuvent apporter une
base commune pour un débat impliquant tous les pays du projet.
Connaissances exigibles |
commentaires |
Arithmétique
Nombres entiers et opérations, divisibilité. P.P.C.M et
P.G.C.D
Nombres relatifs et opérations.
Fractions et opérations. Nombres décimaux.
Nombres rationnels et opérations. Puissances et racines. Nombres
réels.
Pourcentages, rapports, proportions.
Notation scientifique. |
C’est probablement le thème
présentant le moins de différences: les programmes s’accordent avec les
connaissances et les capacités exigées. Un autre aspect commun est la
recommandation de travailler avec les calculatrices qui devient un objet des
commentaires pédagogiques. |
Algèbre
Utilisation de lettres dans les formules. Expressions avec des
variables.
Equations du premier degré et inégalités.
Exemples de calculs algébriques. |
Le niveau exigé à la fois pour
les connaissances et compétences de ce thème est très variable dans les
différents pays et dépend aussi de l’âge des élèves. Quelques programmes
introduisent les équations du second degré, les inégalités et les systèmes
d’équations.
Cependant ce thème est
généralement traité au travers d’exemples et d’applications
significatifs. |
Géométrie
Point, droite, plan, demi-droite, segment de droite, angle.
Cercle, périmètre d’un cercle. Polygones. Triangle.
Quadrilatère.
Figures semblables et isométriques. Isométrie. Symétrie
centrale. Symétrie axiale.
Translation.
Constructions géométriques de base : angles, triangles,
quadrilatères, polygones réguliers.
Principales figures de l’espace: polyèdre, cube, pavé droit, pyramide,
cône de révolution et cylindre.
Systèmes de coordonnées : repères et plan cartésien. |
Ce thème n’apparaît pas dans le
programme slovaque, qui cependant étudie la plupart des compétences listées ici
dans les classes qui précèdent. Une autre variable est le niveau exigé de
compétences «théoriques» (connaissance des définitions, classification des
théorèmes, théorèmes de Pythagore ou de Thalès…), bien qu’il soit généralement
admis que cet aspect doit être, au moins partiellement, explicitement
encouragé.
Les programmes de quelques pays
encouragent l’usage de logiciels et aussi d’instruments classiques pour des
constructions géométriques. Cependant ceci est une pratique répandue, même là où
elle n’est pas explicitement exigée. |
Fonctions
Fonctions et représentations graphiques. Fonctions linéaires, fonctions affines et fonction carré.
Proportionnalité directe et indirecte; représentation. |
|
Grandeurs et
mesures
Mesures: signification et calcul. Unités.
Mesures avec des formules: aire de surfaces planes, aires latérales et
volumes de quelques solides.
Somme des angles d’un polygone. Longueur d’un cercle.
Echelles. |
Tous les programmes ne
mentionnent pas ce thème, mais ils demandent tous l’acquisition de compétences
liées à la notion de mesure. |
Représentation et organisation
de données.
Série de données représentations et lectures.
Fréquences. Diagrammes en
bâtons, histogrammes. Moyennes. |
Ce thème n’est pas dans
tous les programmes, mais on y fait référence dans différentes parties. Pour ce
thème, il est généralement recommandé de considérer des données issues
d’exemples significatifs de la vie réelle et il est suggéré d’utiliser un
tableur ou une calculatrice. |
Résolution de
problèmes
Passage du langage courant au
langage formel; Induction, généralisation, déduction. Conjecture, débat et
démonstration dans des situations variées. Exemples
et contre-exemples.
Situation-problème: données et
buts. Elaborer des problèmes, décrire des procédures et donner des solutions de
façon compréhensible par écrit et oralement.
Evaluer de manière critique les
différentes stratégies de résolution d’un problème. |
Ce thème est explicitement listé
dans les programmes danois, français et italien, mais il est implicite
dans beaucoup d’autres et il est jugé particulièrement intéressant par l’équipe
du projet. Ce thème doit être traité de façon pluridisciplinaire, créant des
liens pour étudier d’autres matières: sciences, sciences humaines, langues.
|
Thèmes: similitudes et
différences
Méthode pour esquisser des séquences
d’enseignement
Une question fondamentale pour la
formation des professeurs de mathématiques est la mise en commun par les pays
européens d’une méthode d’enseignement pour ébaucher des séquences
d’enseignement pourvu qu’il y ait une base commune pour comprendre, croiser et
échanger, au-delà des différences caractérisant les systèmes de formation. Cette
méthode doit permettre aux professeurs stagiaires d’acquérir ou de renforcer les
connaissances relatives aux thèmes considérés, mais aussi de les préparer à
affronter les futurs obstacles didactiques dans le contexte de la
classe.
Pour atteindre ces objectifs, nous
ne présentons pas aux professeurs stagiaires ces thèmes variés en suivant
simplement le modèle de «la transmission des connaissances». Car dans ce cas non
seulement l’acquisition des connaissances relatives aux thèmes est plus
difficile, mais le professeur stagiaire pourrait aussi être convaincu qu’une
telle approche avec les élèves fonctionne bien, avec un risque de conséquences
graves. Si le formateur fait appel aux connaissances des stagiaires, ils
pourraient se focaliser uniquement sur les aspects théoriques de la séquence
d’enseignement et oublier les liens avec la réalité.
Actuellement, dans tous les
programmes, il est montré comment les mathématiques fournissent des outils pour
agir, choisir et décider dans la vie quotidienne. Ils favorisent le
développement d’une pensée logique, les capacités d’abstraction, une vision à la
fois bi dimensionnelle et tridimensionnelle, l’usage de formules, de modèles, de
graphiques et de diagrammes.
L’objectif est de munir les élèves
d’une formation scientifique nécessaire pour une représentation cohérente du
monde et pour comprendre leur environnement quotidien; ils doivent appréhender
que la complexité puisse être exprimée par des lois fondamentales.
Dans la perception des élèves, la
séparation entre les mathématiques et la réalité est toujours une source de
difficultés: au niveau du collège où nous l’abordons, les élèves sont dans une
phase de développement qui les conduit à acquérir une pensée rationnelle. Les
concepts mathématiques sont d’autant plus compréhensibles qu’ils sont ancrés
dans la réalité, au moyen d’exemples d’applications significatifs.
Les mêmes séquences d’enseignement
fournies aux stagiaires devaient autant que possible avoir un point commun avec
les activités qu’ils proposeront réellement aux élèves en classe, avec tous les
aspects interdisciplinaires et les liens avec la réalité, compatibles avec le
thème étudié.
Ainsi, nous pouvons parler de
formation par « homologie ». Les formateurs communiquent leurs propres
conceptions de l’enseignement des mathématiques en montrant leurs pratiques de
professeurs dans leurs séances de formation. En retour, on attend que les
stagiaires mettent en œuvre dans leurs classes les séances qu’ils ont vécues
comme des élèves. Les stratégies par homologie différent des stratégies
culturelles (où le formateur fait passer une information), des stratégies de
mimétisme (où le formateur transmet une pratique en la mettant efficacement en
œuvre dans sa classe) et des stratégies de transfert (où le formateur transmet
un référentiel de connaissances sur l’enseignement et essaie de relier
étroitement le phénomène de transfert exécuté par les stagiaires).
De cette façon le stagiaire n’est
pas seulement conduit à revoir les concepts mathématiques en profondeur,
augmentant sa compréhension théorique et appréciant leur pertinence : il a aussi
l’opportunité d’expérimenter, au moins partiellement, les points critiques, les
obstacles et les solutions qui surgiront vraisemblablement dans ses futures
activités en classe.
Un débat collectif doit suivre la
phase impliquant l’acquisition des connaissances du thème. De cette manière les
stagiaires peuvent partager leurs idées, leurs difficultés et leurs découvertes
et émettre des stratégies d’enseignement et des idées concrètes sur le thème
étudié.
La phase suivante doit tester ce
que les stagiaires ont découvert: la même activité est proposée dans au moins
une classe pilote, en faisant un reportage sur les réactions des élèves comme
sur ce qui a été appris avec succès ou non, en utilisant si possible un
enregistrement vidéo. La dernière étape est une discussion collective où sous la
conduite du formateur, les stagiaires commencent à partir des expériences
d’enseignement menées dans les classes pilotes à comparer les hypothèses, les
réflexions et les choix faits au début avec ce qui s’est passé dans la
classe : cela donne aux stagiaires la chance de systématiser leurs
découvertes faites tout au long de leur travail.
[1] L’étymologie du mot “curriculum” (programme) revêt deux aspects:
le contenu de la proposition et l’instrument (currus) qui permet de proposer et
de rendre le contenu accessible.
[2] Par exemple, il
est fondamental pour les professeurs stagiaires de pouvoir traiter et résoudre
des équations et des inéquations du premier et second degré et de faire tout ce
que le programme demande sur le thème. Ainsi les professeurs stagiaires
utiliseront le calcul symbolique et pourront mieux «maîtriser» les problèmes, en
fonction de leurs capacités, avec une démarche algébrique. Il semble aussi
judicieux que les principaux théorèmes de géométrie plane soient traités (par
exemple le théorème du triangle inscrit dans un demi-cercle, les théorèmes de
Thalès et de Pythagore), bien que certains programmes puissent n’en inclure
explicitement aucun ou seulement un : cela permet de travailler sur la notion de
théorème et sur sa pertinence.